Un Projet Lauréat qui Résonne au Cœur de Paris
Aujourd'hui marque la troisième année de mon arrivée en France, depuis le 4 septembre 2020. Pour marquer ce jour mémorable, j'ai entrepris la rédaction de cet article, afin de dévoiler le projet qui me tient à cœur et qui a pris forme depuis.
Je m’appelle Taline PATCHANIAN, je suis libanaise, d’origine arménienne. Architecte et paysagiste de formation, j’ai débuté mes études au Liban et complété ma spécialisation à l’Ecole nationale supérieure de paysage de Versailles en 2020-2021. Intéressée par les notions de l’écologie et de la biodiversité, j’ai poursuivi avec un master supplémentaire en approche écologique du paysage à l’université Paris-Saclay en 2021-2022, comme complément de mon parcours initial.
Mon arrivée en France remonte à 2020, marquant un tournant décisif. J'ai été contrainte de quitter mon pays en urgence à la suite de l'explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Je suis moi-même l'une des survivantes de cette tragédie. Je travaillais dans un chantier d’architecture situé juste en face du port où l'explosion a eu lieu. Cette catastrophe a entraîné la perte de mon emploi et m'a laissée dans une situation financière précaire, incapable de transférer mes fonds du Liban vers la France. Néanmoins, j’ai refusé de baisser les bras. Chaque fin annonce un nouveau départ.
Ce nouvel élan m'a conduit en France et plus précisément à la Cité Internationale Universitaire de Paris en 2020, où j'ai entrepris de façonner mon projet professionnel intitulé "Penser les paysages post-traumatiques après l'explosion du port de Beyrouth". Ce projet s'ancre dans mon désir de contribuer à la reconstruction et au développement de mon pays, le Liban. Parallèlement à mon parcours académique, j'ai découvert la France en tant que terre d'opportunités. C'est là que j'ai pris connaissance du concours annuel "Jardins du monde en mouvement", qui se déroule à la Cité Internationale Universitaire de Paris et s'adresse aux paysagistes professionnels ainsi qu'aux artistes. Animée par cette nouvelle perspective, j'ai cherché à rendre hommage à mon pays et à transformer la douleur vécue en une œuvre artistique symbolique. C'est ainsi qu'est née l'idée de créer une installation devant la Maison du Liban.
I-Frise historique :
Vraisemblablement, Beyrouth a traversé de nombreux événements tragiques qui ont profondément marqué son paysage sonore, tout au long de l’histoire :
- Les échos des anciennes civilisations sont encore perceptibles grâce à la présence des fouilles archéologiques à Beyrouth (depuis 1300 av. J.-C.)
- La guerre civile libanaise a fait résonner les rues de Beyrouth avec ses tumultes pendant une quinzaine d’années (de 1975 à 1990)
- L'assassinat du premier ministre libanais Rafic HARIRI a secoué la ville de manière brutale et choquante (en 2005)
- La guerre de juillet a laissé une trace profonde à Beyrouth, avec des périodes de conflit et des bombardements aériens qui ont eu un impact significatif sur la vie quotidienne de la ville (en 2006)
- La révolution libanaise a impulsé Beyrouth par les voix du changement (en 2019)
- La dévastatrice explosion du port de Beyrouth a laissé une cicatrice profonde et a mobilisé les efforts de reconstruction (en 2020).
II-Concept :
Partant de cette frise historique, j'ai tracé l'empreinte sonore de Beyrouth. Ce graphisme a servi de base à la définition du concept et a donné au projet sa forme distinctive et appropriée. L’objectif initial est de :
- Créer l’Identité de Beyrouth --> par la mise en relief des Echos du Paysage Sonore de Beyrouth --> à travers les matériaux et des plantes locales libanaises symbolisant chaque écho recherché.
- Relation avec le lieu --> à travers les formes perceptuelles (sonorisation perceptuelle et expérimentale - favorisée par les cinq sens).
A) En voici les Echos de Beyrouth exprimés en (Matériaux + Symbolisme) :
1-Religion (Eglise + Mosquée) argile --> Création de l’Homme --> Symbole du Façonnement.
2-Martyrs --> acier --> Protection de soi / Résistance --> Symbole du Patriotisme.
3-Guerre --> métal --> Vibration agressive (guerre civile) --> Symbole de la Guerre.
verre brisé --> Traces de la destruction / révolution / guerre --> Symbole de Révolution.
4-Nature --> bois de cèdre --> Image du Paradis sur terre --> Symbole de l’Immortalité.
5-Civilisations --> pierre --> Mémoire du passé / Héritage culturel / Patrimoine --> Symbole des Civilisations de Beyrouth.
B) J’ai de même associé l’arbre adéquat à chaque Echo recherché :
1- Religion (Boswellia sacra) :
Cette plante a une signification religieuse importante dans plusieurs religions, notamment le christianisme et l'islam, où il est utilisé dans les rituels religieux et les cérémonies. Le nom commun de cette plante « Oliban » qui a donné au pays son nom par son abondance (اللبان —> لبنان).
2- Martyrs (Myrtus communis) :
Cette plante est adoptée dans les arrangements floraux des funèbres. Son essence est de tout temps utilisée pour parfumer les corps des martyrs.
3- Guerre (Papaver rhoeas) :
Les fleurs rouges de cette plante sont associées à la guerre en raison de leur couleur qui rappelle les gouttes de sang versées lors des conflits. Elles sont souvent utilisées comme symbole de commémoration pour honorer les soldats tombés au combat.
(Thymbra spicota) & (Origanum syriacum) :
Ces dernières sont des plantes aromatiques médicinales utilisées pour guérir les maux, ce qui symbolise l'espoir de guérison et de réparation après les destructions causées par la guerre et les explosions.
4- Nature (Cedrus libani) :
Le cèdre du Liban, également connu sous le nom de "Cèdres de Dieu", est un symbole de l'immortalité en raison de sa longévité et de sa résistance. Il est également l'arbre emblématique du Liban, figurant sur son drapeau national.
5- Civilisations (Laurus nobilis) :
Le laurier est un symbole de sagesse et de paix dans de nombreuses civilisations, notamment en Italie où il est associé aux couronnes portées pendant les cérémonies de remise de diplômes.
III-Intégration du projet dans le site :
IV-Expérimentation des cinq sens :
Ainsi, l’installation "Echo Beyrouth" située en vis-à-vis de la Maison du Liban, matérialise la forme graphique de la réverbération du son qui produit l’écho. Les visiteurs sont invités à explorer l'identité sonore de Beyrouth à travers leurs cinq sens. Des matériaux recyclés (argile, acier, métal, verre brisé, pierre naturelle) se combinent à des plantes locales libanaises entre les lattes de bois, symbolisant ainsi les échos identitaires de la capitale. Cette installation offre une expérience sensorielle complète, à la fois sonore, perceptible, olfactive, tactile et aromatique. Le terme "écho" fait également écho à l'écologie et oriente ainsi le choix d'une palette végétale en résonance avec cette thématique.
Depuis le 4 septembre 2020, la Cité Internationale Universitaire de Paris m'a offert un accueil chaleureux. Aujourd'hui, j’exprime ma profonde gratitude envers le campus pour laisser une trace de mon passage. Je dédie cette œuvre à tout Libanais qui fait preuve de résilience à l'étranger.
Vous êtes cordialement conviés à découvrir mon œuvre éphémère qui continue de captiver avec l'arrivée de la rentrée. Vos réactions sont les bienvenues, alors n'hésitez pas à les partager sur les réseaux sociaux en utilisant les hashtags #ECHO_Beyrouth et #Maison_du_Liban :